L'économie de marché est-elle morale?

L'ÉCONOMIE EST AU COEUR DE LA VIE POLITIQUE ET SOCIALE CONTEMPORAINE. POURTANT ELLE RESTE UN DOMAINE MAL COMPRIS, TANT LES MALENTENDUS SONT GRANDS ENTRE LES ÉCONOMISTES ET LE GRAND PUBLIC. CE COURS SE PROPOSE D'INTERROGER CES ÉQUIVOQUES EN POSANT À L'ÉCONOMIE, À PARTIR DE TEXTES CLASSIQUES, DES QUESTIONS DE SENS COMMUN.

Pour la science économique, le marché n’est qu’un concept, un espace abstrait d’échange et de coordination entre les individus ; en tant qu’objet scientifique, il est donc a priori parfaitement amoral. 

Mais en dehors des cercles académiques, le marché est au contraire souvent perçu comme le loup de la logique marchande entrant dans la bergerie des rapports sociaux : il apparaît comme intrinséquement immoral. Ce hiatus entre conception académique et perception courante contrarie le dialogue entre l’économie politique et la société civile. 

Ce cours se propose donc de faire un examen explicite du concept de marché, en posant à quelques textes classiques (Mandeville, Smith, Marx, Weber, etc.) des questions purement morales : quel est la fin de l’action individuelle ? Et de l’action collective ? Quel est la nature du rapport à l’autre ?

 

NOTE

Ce cours a été dispensé par Thomas Vendryes en cinq séances de janvier à mai 2009. L'ensemble des séances ainsi que la notice bibliographique du cours sont accessibles sur cette page. Les enregistrements des 5 cours sont réunis sous la forme d'une liste de lecture sur notre compte Soundcloud. 

Les séances

L'ensemble des cinq séances peut être écouté sous la forme d'une liste de lecture sur notre compte soundcloud.

Séance du 21 janvier 2009

Cette première séance sera l'occasion d'introduire notre propos et de poser dans sa généralité le problème qui nous occupera ce semestre. Nous aborderons ensuite directement un premier texte, la Fable des abeilles, de Bernard de Mandeville  qui éclairera les fondements du débat.

Nous renvoyons à notre bibliographie pour l'introduction de l'oeuvre et de l'auteur.

 

Séance du 4 février 2009

Cette deuxième séance de notre atelier de réflexion autour de l'idée de marché sera consacrée à Adam Smith, véritable père du libéralisme économique, ainsi qu'à l'étude et au commentaire des quatre extraits de la Richesse des nations distribués lors de la séance précédente.

La notice de l'auteur comme les références aux extraits commentés sont disponibles dans notre bibliographie.

 

Séance du 4 mars 2009

Cette troisième séance de notre réflexion commune autour de la question "le marché est-il immoral?" poursuivra la lecture et l'étude des textes d'Adam Smith initiées lors de la séance précédente.

 

Séance du 1er avril 2009

Cette nouvelle séance poursuivra la réflexion entamée autour de l'idée de marché lors des séances précédentes par la lecture de quelques pages de Marx.

 

 

Séance du 20 mai 2009

Cette séance s'inscrit dans le prolongement de la précédente et se proposera de poursuivre une réflexion sur les thèses de Marx sur la logique du marché. Elle constituera toutefois pour elle-même une unité, et ne nécessite impérativement pas d'avoir suivi le cours précédent. 

L'auditeur pourra trouver dans la bibliographie générale la liste des textes et références utilisées en cours.

 

Bibliographie générale et notices des auteurs étudiés

Cette page rassemble les références et les textes étudiés durant le cours. On y a ajouté une brève notice sur les auteurs et les oeuvres évoquées.

 

1. La fable des Abeilles - Bernard de Mandeville

Bernard de Mandeville naît le 15 Novembre 1670 à Rotterdam. Son père est un médecin célèbre, et lui-même s'engage dans cette voie. Il se spécialise dans les maladies nerveuses, et défend notamment les thèses cartésiennes de l'automatisme chez les animaux. 

En 1691, après avoir achevé ses études, il quitte la Hollande pour l'Angleterre, où il passera le reste de sa vie. Parallèlement à la pratique de la médecine, pour laquelle il devient rapidement connu, il écrit et publie. Ses premiers travaux sont des traductions anglaises des Fables de La Fontaine (1703). A partir de cette date et jusqu'à sa mort, il publie des travaux médicaux, et surtout, ce qui fera sa célébrité, des essais et des pamphlets. 

Dès 1705, il publie un long poème, The Grumbling Hive, or Knaves Turn'd Honest (La Ruche murmurante ou les fripons devenus honnêtes gens), qui constitue la première partie de son fameux essai, The Fable of the Bees : or, Private Vices, Publick Benefits (La fable des abeilles : ou, vices privés, bénéfices publics), publié en 1723. 

Les positions qu'il défend, dans la Fable des Abeilles comme dans ses autres écrits, sont celles d'une nature humaine essentiellement mauvaise, c'est-à-dire égoïste et insatiable. Cependant, ces appétits individuels ne doivent pas être réprimés, au contraire, leur libre jeu conduit à la prospérité commune. 

Ces thèses provocantes et scandaleuses lui valent une très grande célébrité, et même un procès pour « tendances immorales » en 1729. 

Il meurt de la grippe le 21 Janvier 1733. Le cœur de sa pensée, « les vices privés font le bien public », deviendra un des fondements de l'économie politique naissante.

 

La fable des abeilles ; texte étudié

 

2. Recherche sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations – Adam Smith

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Adam Smith naît le 5 juin 1723 dans une petite ville d'Ecosse, fils d'un contrôleur des douanes qui décède deux mois avant sa naissance. Elève doué, il étudie à Glasgow, puis à Oxford, la philosophie et la littérature. A partir de 1751, il enseigne la logique, puis la philosophie morale, à l'Université de Glasgow. Ses manières originales, notamment sa grande distraction et son habitude de soliloquer, ainsi que ses opinions peu orthodoxes, comme son amitié avec David Hume, contribuent à le faire connaître.

La reconnaissance vient avec la publication de la Théorie des sentiments moraux (The theory of moral sentiments) en 1759. Dans cet ouvrage, Smith veut montrer comment l'être humain, par nature égoïste, en vient à porter des jugements moraux qui dépassent son intérêt personnel, du fait de sa capacité de sympathie. Ses thèses sont discutées dans toute l'Europe. 

Cette célébrité vaut à Smith de devenir précepteur du jeune Duc de Buccleuch en 1763. Entre 1764 et 1766, Smith accompagne son élève dans un tour d'Europe, qui se termine par un long séjour à Paris. Smith y a l'occasion de rencontrer, entre autres, Voltaire, Benjamin Franklin, Turgot, D'Alembert, Helvétius et Francois Quesnay, maître à penser de l'école des physiocrates. 

En 1766, Smith retourne s'installer dans sa ville natale avec sa mère, et travaille pendant dix ans sur la Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations), finalement publiée en 1776. La thèse centrale de l'ouvrage est que la recherche par chacun de son intérêt privé conduit à la prospérité générale. 

Cet ouvrage recevra un écho considérable, et conduira à considérer Adam Smith comme le père fondateur de l'Economie Politique classique et comme un des plus grands représentants du libéralisme économique.

 

Au sujet de la Richesse des nations

La Recherche sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations), publiée en 1776 après dix années de travail, est certainement l'ouvrage le plus célèbre d'Adam Smith. 

De son vivant même, Smith la verra éditée cinq fois au Royaume-Uni, et traduite en français, en danois et en allemand. Smith en vient à être consulté par les hommes politiques de son pays, et son nom est mentionné au Parlement en 1784 par Charles James Fox. 

La thèse essentielle de l'ouvrage est que la richesse collective provient de la division du travail, et que celle-ci est le résultat des échanges libres entre des individus motivés par leur intérêt personnel. 

La Recherche est constituée de cinq livres, qui traitent respectivement des causes qui ont perfectionné les facultés productives du travail, et de l'ordre suivant lequel ses produits se distribuent naturellement dans les différentes classes du peuple ; de la nature des fonds ou capitaux, de leur accumulation et de leur emploi ; de la marche différente et des progrès de l'opulence chez différentes nations ; des systèmes d'économie politique ; et enfin sur du revenu du souverain ou de la république. 

Même si la Recherche a pu être critiquée, notamment par Joseph Schumpeter, pour son manque d'idées réellement neuves et originales, il n'en reste pas moins indubitable qu'elle constitue le premier traité d'une telle importance sur les problèmes de l'économie politique, et qu'elle représente l'ouvrage fondateur de l'économie politique classique et du libéralisme économique. 
 


Editions du texte

  • Edition française utilisée ici : Traduction française de Germain Garnier, 1881, à partir de l'édition revue par Adolphe Blanqui en 1843, document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi, dans le cadre de la collection « Les classiques des sciences sociales » :  Edition ligne

 

  • Edition française la plus récente :  Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Economica, 414 p.

 

 

3. Karl Marx

 

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Karl Marx naît le 5 mai 1818 à Trèves en Rhénanie, deuxième de huit enfants. Son père, issu d’une famille de rabbins et de marchands, est avocat. Marx étudie le droit à Bonn puis la philosophie et l’histoire à Berlin. En 1841, il soutient sa thèse de doctorat sur la « Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure » (rédigée en grec ancien). Il intègre les cercles des « Hégéliens de gauche », dans son versant le plus révolutionnaire, alors représenté par Ludwig Feuerbach.

Ses positions radicales lui interdisant l’entrée dans le système universitaire, Marx collabore au journal d’opposition La Gazette Rhénane (Rheinische Zeitung), dont il devient rédacteur en chef. C’est à cette occasion que Marx commence à s’intéresser à des problèmes d’économie politique. Début 1843, le journal est interdit, et Marx s’installe à Paris. Entre 1843 et 1848, il continue ses recherches et travaux, en partenariat avec Friedrich Engels, rencontré en 1844, qui l’introduit au communisme. En février 1848, Marx et Engels publient le Manifeste du Parti Communiste. 

Après le Printemps des Peuples, Marx est contraint de s’installer à Londres, où il restera jusqu’à sa mort. Sa situation est extrêmement précaire, et il ne survit que grâce à de petits emplois alimentaires, à des piges dans divers journaux ainsi qu’à l’aide d’Engels. Il poursuit néanmoins ses travaux, qui aboutissent, entre autres, à la publication de la Contribution à la critique de l’économie politique en 1859, et à celle du premier livre du Capital en 1867. Parallèlement, Marx mène une grande activité politique, notamment dans le cadre de l’Association Internationale des Travailleurs (1864-1872), où il s’oppose aux anarchistes menés par Bakounine. 

Il meurt le 14 mars 1883 à Londres. 

 

Introduction aux extraits étudiés

Karl Marx a été un auteur prolifique, et ses nombreux ouvrages ont concerné la philosophie, l’histoire et l’économie politique. Les centres d’intérêt et les sujets d’étude de Marx ayant nettement évolué au cours de sa vie, il est habituel de distinguer le « jeune Marx » philosophe du « vieux Marx » économiste, le tournant prenant place dans les années 1840. 

Tous les écrits de Karl Marx, même ceux non publiés de son vivant, ont fait l’objet d’intenses travaux de critique, d’édition et de diffusion de la part des chercheurs d’Union Soviétique. 

Les Manuscrits de 1844 ont été publiés pour la première fois en 1932. Ils regroupent une série de notes de Marx sur la propriété, l’argent et le travail, qui utilisent les concepts hégéliens (notamment celui d’aliénation) pour analyser les processus à l’œuvre dans l’Europe de la révolution Industrielle. 

A partir des années 1850, Karl Marx consacre la plupart de ses travaux à l’économie politique, tout en publiant, de temps à autre, des ouvrages d’analyse sur l’actualité. 

En 1857, Marx s’engage dans la rédaction d’une Contribution à la critique de l’Economie Politique, qui doit comprendre six tomes (respectivement traitant du capital, du travail, de la terre, de l’Etat, du commerce international et du marché mondial). 

En 1859, l’Introduction à la Contribution à la critique de l’Economie Politique est publiée. Suite à de graves problèmes financiers, Marx ne reprend son travail sur cet ouvrage qu’en 1863, ce qui aboutira en 1867 à la publication de l’ouvrage le plus célèbre du Marxisme : le premier livre du Capital. Les deux livres suivants seront édités par Engels, de manière posthume, à partir des notes de Marx, en 1885 et 1894.

 

Les textes étudiés sont disponibles sur Septembre ici.