Les textes

La pensée vit de textes et de livres. Mais parce que chaque lecture résulte d'un choix intime, il n'y a pas de bibliothèque idéale. Seulement des anthologies électives. Nous rassemblons donc ici simplement des extraits commentés ou évoqués dans les cours hébergés sur Septembre, sans autre prétention que de nourrir la réflexion de chacun.

L’accès aux classiques

Pour la moitié du prix d’un téléphone, chacun peut aujourd’hui en France se composer une bibliothèque qui ferait pâlir d’envie un humaniste de la Renaissance. La démocratisation du livre conduit ainsi à un paradoxe : d’un côté, jamais les grandes oeuvres n’ont été aussi accessibles, notamment grâce à la généralisation des formats poche ; de l’autre Balzac, Rousseau ou Platon apparaissent pour l’essentiel enfermés dans une expérience scolaire parcellaire, bientôt oubliée. Pire, la lecture des classiques devient parfois le privilège de spécialistes universitaires, dont les travaux savants éloignent un peu plus le grand public d’ouvrages pourtant à portée de main.

D’où vient ainsi que près de 800 romans sont publiés en France à chaque rentrée littéraire, pour disparaître rapidement au pilon ou dans l’oubli, tandis que chacun peut pour le tiers du prix d’une de ces “nouveautés”, acheter Le rouge et le noir, ou le Discours de la méthode, oeuvres qu’il pourra relire toute sa vie sans manquer d’y trouver à chaque fois de nouvelles lumières? La structure du marché contemporain de l’édition le confirme. L’ignorance n’est pas une question sociale. C’est l’étude, libre et personnelle, qui manque, et non les livres et les oeuvres.

Une surproduction éditoriale

En un sens, le livre traverse une crise de surproduction qui démonétise les classiques, les confinant dans leurs atours sociaux. Ils sont ainsi le plus souvent réduits à une “culture légitime” (croit-on réellement pourtant que les dominants lisent réellement Platon le soir?), à un rite initiatique scolaire ou à un “champ” d’études académiques. Leurs défenseurs ne peuvent alors être que des “agents du système” dont “l’élitisme” est au service du pire conservatisme. Qui ne voit pourtant à qui profite l’effacement de ces grandes oeuvres? La critique littéraire, art de lire et de montrer la profondeur et l’équivoque, a cédé la place à une chronique de “l’actualité littéraire”, où le simple fait qu’un livre vient de sortir des presses suffit à convoquer l’attention du lecteur. Descartes est mort, il peut attendre. Et ainsi il reste mort.

Prodigue de ses moyens quand il s’agit de fabriquer et de diffuser des livres, l’édition contemporaine apparaît alors bien pauvre quand il s’agit de faire vivre véritablement la lecture, qui en son fond est étude et méditation. Car lire n’est point un divertissement, une partie de la “politique culturelle”. Les lumières ou le plaisir d’une lecture dépendent en effet en réalité de l’attention et de la patience que l’on offre à l’oeuvre. C’est du moins une condition incontournable à l’accès à des oeuvres comme celle de la tradition philosophique.

Celles-ci ne sont pas en effet difficiles d’accès parce que leurs auteurs auraient dissimulé des idées simples derrière des apparences obscures, comme si leur pensée n’était faite que d’une vaniteuse artificialité. Leur difficulté découle de l’objet même qu’elle cherche à élucider. Si lire Kant est ardu et demande de la concentration, c’est qu’il n’est pas aisé de démêler dans nos perceptions communes ce qui vient du monde et ce qui vient de l’esprit. Si le Nostromo de Conrad est plus aride que le dernier Goncourt, c’est que l’art de la composition mis dans cette création impose deux ou trois lectures pour seulement deviner l’ambition et la richesse d’un tel roman.

La nécessité d’apprendre à lire

Ainsi la permanence des “classiques” dans l’histoire tient d’abord à ce que, porteurs d’une richesse incomparable, ils échappent aux vogues du moment. L’aptitude à être relus continuellement par le même individu explique qu’à travers les époques, Platon, Dante ou Balzac s’offrent toujours à nous. Mais cette riche nourriture demande des estomacs solides ; aussi, il est bien normal de se décourager après quelques pages de la Critique de la raison pure. Il est plus aisé de se tourner alors vers des livres fait pour vous, prémâchés par l’actualité et la radio. Mais pour qui veut réellement aborder les grandes oeuvres, il faut une diététique particulière. L’anthologie que propose Septembre souhaiterait y participer.

Découper, diffuser, commenter des extraits est en effet le coeur du métier de nombre d’enseignants de lettres, de philosophie et d’histoire ( et peut-être pourrions-nous dire aussi qu’un exercice de mathématique ou de physique est également l’extrait d’un texte parfaitement clair et simple où ne s’expriment que les rapports numériques ou mécanique liant toutes choses). Au vrai sens les humanités n’excluent pas les sciences. Ainsi, partout enseigner revient à ce travail de lecteur : lire devant soi pour retrouver la difficulté de comprendre et le prix de son intelligence.

En ce sens le travail du professeur est d’apprendre à lire en lisant, d’apprendre à penser en pensant, d’exercer enfin l’attention de lecteurs qui sont d’abord faibles et démunis, comme l’enfant montant pour la première fois sur un vélo. Sans doute un professeur permet-il d’éviter les contre-sens les plus grossiers, il fixe ainsi des roulettes au vélo et prévient les trop lourdes chutes. Mais l’effort vient toujours de l’élève, lequel doit s’approprier l’outil (la langue) et vaincre la pente et la route (l’objet et le problème que traite le texte) pour réellement comprendre ce qu’il lit.

Cette section de Septembre, en livrant pêle-mêle des extraits de grands auteurs, est ainsi tout aussi bien le support de nos cours qu’un terrain d’exercice pour un lecteur désireux d’apprendre à lire véritablement. Notre ambition, en cette matière, serait non pas que le dernier auteur à la mode crève un nouveau plafond pour ses ventes, mais qu’on trouve plus de lecteurs de Stendhal, Cervantès ou Descartes dans le métro.

Comment rechercher un texte sur Septembre?

Une partie du charme d’une bibliothèque est de pouvoir y errer et y choisir un volume presque au hasard. Septembre ne proposant pas pour la présente anthologie de mode d’archivage complexe, ce type d’errance sera donc pour une part la règle.

Pour une part seulement car il vous est toujours possible de recourir aux deux grands filtres proposés par la colonne de droite pour affiner votre recherche et trouver l’extrait précis auquel vous songez:

  • un filtre par auteur, rattachant chaque extrait à une grande figure de la pensée humaine.

  • un filtre par mots clés, qui, de manière plus lâche associe les textes portant sur un thème ou un problème voisin.

Une boîte de recherche est également disponible pour sonder l’anthologie en ligne.

Comme pour le fil “les cours”, cette page affiche trois billets simultanément, et il vous faudra remonter vers les textes les plus anciens en cliquant sur l’onglet “Billets plus anciens”, en bas à droite de l’écran.

Utilisation des extraits publiés sur Septembre

En règle générale, les textes publiés ici sont tirés d’oeuvres tombées dans le domaine public, parfois depuis longtemps. Leur reproduction est donc regardée comme libre.

Nous attirons toutefois l’attention des lecteurs sur la question des traductions, qui elles peuvent parfois comporter des droits d’auteurs associés. Il convient de vérifier le statut du texte et de la traduction, le cas échéant, qui en général est précisé en note par le contributeur de Septembre lui-même avant de le reproduire.

Les notices qui précédent parfois les textes sont rédigés par les professeurs qui extraient, commentent et exploitent le texte dans son enseignement. Elles échappent en cela au domaine public et sont soumises aux mêmes règles d’usages que l’ensemble des production de Septembre.