Première partie / La justice selon l'opinion

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L’introduction générale du cours a consisté essentiellement à dégager l'idée morale de justice. Nous étions en effet parti du mythe de Gygès pour jeter un éclairage cru sur nos morales communes, faites d'expédients et de transactions plus ou moins inavouables. Glaucon et Adimante attestent à l’inverse de leur vocation philosophique en ce qu’ils réclament des principes, non des slogans ou des sermons.

Nous pouvons ainsi revenir sur le livre I afin de mesurer, par contraste, l’insuffisance des opinions morales les plus courantes. Platon y organise en effet une saisissante série de portraits (Céphale, Polémarque, Thrasymaque) qui nous apparaîtront comme autant de moments de nos propres débats intérieurs, quoique toujours en deçà de la question de principe qui la constitue. 

Cette section du cours comporte 7 séances (6 à 12) et a été dispensée entre janvier et mai 2008. Certains aspects du problème traité ici ont été abordés sous un autre angle dans un article sur l’idée de devoir paru dans le n°30 du Philosophoire, à l’automne 2008. Ce texte peut utilement compléter la réflexion.

Séance du 15 janvier 2009 / Le prélude de la république

 Nous avions conclu notre introduction sur l'idée suivante, que nous mettrons à l'épreuve d'une lecture suivie : Socrate se présenterait au fond ici comme une figure de la maturité, face aux tentations diverses de l'enfance et de la puérilité, et permettrait de comprendre la spécificité du platonisme comme celle d'une pensée de l'éducation, entendue comme vérité du rapport moral et du lien politique. 

Nous quitterons toutefois ces abstractions et ces généralités pour aborder enfin naïvement le petit prélude sur lequel s'ouvre l'oeuvre, et dont nous ferons l'occasion d'une réflexion sur l'impiété supposée de Socrate, la variabilité des convictions religieuses, et les vertus civiques de l'ironie.

 

Séance du 29 janvier / Céphale ou le Propriétaire(1)

Cette nouvelle séance sera consacrée à la lecture du passage du livre I de la République où Socrate discute avec Céphale, hôte du dialogue. Ce sera tout d'abord l'occasion de s'interroger sur l'idée que la sagesse vient avec l'âge, et de juger notre propre tempérance. On s'appuiera ici sur la première moitié de l'entretien, mise en ligne dans la rubrique habituelle. 

Nous amorcerons également la lecture de la seconde partie du passage, avec la subtile discussion sur les vertus morales de la richesse. En suivant Platon, nous aborderons ainsi une réflexion plus large sur la question de la justice économique. Que voulons-nous dire lorsque nous disons que la justice consiste à payer ses dettes? 

Nous amorcerons ainsi une petite digression autour de Simone Weil et Proudhon.

  

Séance du 12 février / Céphale ou le propriétaire (2)

Cette nouvelle séance achèvera la lecture de la première partie du livre I de la République, consacrée à l'entretien entre Socrate et Céphale. 

Nous avons montré, lors du précédent cours, en quoi la philosophie entretient nécessairement un rapport polémique avec la tradition. Mais ce fut également l'occasion de réfléchir sur les deux objets sur lesquels se porte spontanément la justice traditionnelle : la tempérance dans les désirs, et la régularité des transactions commerciales. 

De même que nous avions pu voir alors, ce que vaut une tempérance de tradition, qui fait de la sagesse une contrainte et une forme d'épuisement de la vie en soi, nous nous attacherons ici à sonder l'économie spontanée, dans la manière qu'à Céphale de comprendre l'idée de dette. En quoi être juste, est-ce rendre à chacun ce qu'on lui doit? 

 

Séance du 5 mars / Polémarque ou le citoyen (1)

Nous aborderons aujourd'hui un nouvel interlocuteur de Socrate : Polémarque, fils de Céphale, et héritier de la parole de la tradition, que le retrait du vieillard a laissée pendante. 

Or Polémarque se distingue de son père en ce qu'il croit pouvoir fournir à la pratique aveugle de Céphale des lumières et des justifications dont ne se soucie guère le vieil homme. Il s'agit toutefois moins, on le verra, de véritables raisons que de références et de sentences obscures énoncées par l'un des "pères" de la patrie athénienne, le poète Simonide. 

À sa manière, Polémarque tient donc son éducation nationale et traditionnelle pour une formation intellectuelle. Il apparaîtra que sa culture ne l'a pas même mis en état de comprendre ce que c'est que la justice. 

L'enjeu des deux séances que nous consacrerons à Polémarque sera donc de comprendre cette manière qu'à la tradition de se donner l'apparence d'une pensée, tout en nous écartant radicalement de tout jugement réel, et ainsi de deviner ce qui menace une culture qui se borne à l'érudition ou à la politesse. 

Nous commencerons par souligner l'obscurité de la formule de Simonide, afin de montrer ce qu'elle révèle de ses impensés propres. Ce qui se dit en effet à travers ce morceau de poèsie athénienne, c'est une conception militariste de la justice. 

Le cours s'appuiera sur ce premier extrait de l'entretien.

 

Séance du 26 mars 2009/ Polémarque ou le citoyen (2)


Nous poursuivrons notre lecture du livre I de la République en considérant la suite de l'entretien entre Polémarque et Socrate. La présente séance sera toutefois l'occasion d'une réflexion sur l'amitié. 

En effet, après avoir tenté de comprendre la définition que Simonide donne de la justice ("rendre à chacun ce qui lui est dû") et d'en avoir montré l'obscurité, les précisions de Polémarque ("la justice consiste à faire du bien à ses amis et à nuire à ses ennemiis") impose d'examiner s'il peut exister une réelle amitié sans connaissance du bien. 

Il nous faudra comprendre en quoi, justement, l'amitié n'est donc pas l'objet de la justice, mais ce qui en procède, et qu'elle impose alors de rompre avec les passions politiques qui nous dressent artificiellement les uns contre les autres.

En Polémarque se résume donc l'idée que se fait l'opinion de la citoyenneté, double attachement aveugle aux traditions et à ses voisins, dont toute conception effective du bien et du juste est absente.

  

Séance du 10 avril 2009 / Thrasymaque ou l'arriviste(1)

Cette nouvelle séance amorcera la lecture de la dernière partie du livre I de la République de Platon, celle consacrée à l'entretien entre Thrasymaque, jeune ambitieux se rêvant cynique, et Socrate. 

Nous devrons donc commencer par faire connaissance avec ce nouveau personnage, et lirons ainsi le portait en miroir que dresse de l'autre chacun des discutants. 

Nous en viendrons alors à la thèse de Thrasymaque : la justice n'est que l'avantage des gouvernants ; le peuple ne serait qu'un troupeau pour les bergers qui les tondent. La philosophie ne vaudrait ainsi pas grand chose, et ne serait même que naïveté, en Socrate. Mais que vaut cette leçon, et que peut-elle nous apprendre?

 

 

Séance du 7 mai 2009 / Thrasymaque ou l'arriviste(2)

Cette avant dernière séance de l'année sera consacrée de nouveau à l'entretien final du livre I entre Socrate et Thrasymaque. Nous y travaillerons principalement la question du métier de gouvernant, à partir de la métaphore pastorale, afin de comprendre la théorie des métiers et des salaires qui en découle.

L'arrivisme naïf de Thrasymaque repose en effet sur l'idée que l'on peut réellement travailler pour soi, et en somme que l'injustice est simplement le chemin le plus court vers le bonheur. Derrière ce cynisme au fond commun, se cache toutefois la certitude d'un lien nécessaire entre nos travaux et nos plaisirs.