Alain (1868-1951) Émile Chartier


Cet article a été rédigé pour l’
Encyclopédie de la culture française, Eclectis, 1991, publiée sous la direction de Bernard Willerval et Pierre Anglade.


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Toute la carrière d’Alain est celle d’un professeur de lycée. Il ne cesse d’enseigner la philosophie, même hors de sa classe comme en témoigne l’œuvre si féconde des Propos. Ces courts développements visent toujours à instruire, à dégager l’idée du fatras des opinions pour arracher l’esprit au sommeil, l’inciter à la vigilance. Ce grand professeur est naturellement un grand lecteur, l’essentiel étant toujours de sauver le meilleur de la sagesse humaine tel qu’on le trouve dans l’œuvre des philosophes. D’où une méthode de lecture directe qui irrite les chercheurs scolastiques. Platon, Descartes, Hegel et Comte sont les chapitres d’Idées (1932). Alain est en France le premier à lire Hegel en philosophe, et surtout Comte dont les dix volumes ne quittent pas sa table de travail. Nous lui devons de savoir un peu mieux lire les grands textes, en cherchant toujours leur vérité philosophique, en renonçant aux objections comme aux explications réductrices. Mais Alain, c’est aussi l’écriture quotidienne, le style qui exprime sans cesse la fidélité de l’esprit à soi. Inséparables sont donc le professeur, le philosophe, l’écrivain.

Les grands titres

L’homme intérieur se montre surtout dans Souvenirs concernant Jules Lagneau et Histoire de mes pensées. Dans le Système des Beaux-Arts (1920), il avertit qu’il y a seulement système par le lien des différences. Cette suite de la Critique du jugement de Kant, mais aussi de Descartes dont la théorie de l’imagination ne touchait pas à l’esthétique, cherche à surmonter le divorce qui s’est accompli entre les beaux-arts et la pensée. Dans Les idées et les âges (1927), c’est encore imagination et poésie qui disent le vrai de l’homme. Toute fable est sauvée par une pensée rigoureuse et généreuse, toujours attentive à retrouver l’humanité et à la décrire. Les Entretiens au bord de la mer (1931), dialogue métaphysique écrit au Pouldu, partent de la géométrie et de la mécanique pour s’élever, par physique et poésie, c’est-à-dire en libre penseur, à la plus pure religion. Les Dieux (1934) montrent encore que les contes nous instruisent toujours sur l’homme, que rapportée à l’ordre réel l’imagination n’est pas ennemie de le sagesse et qu’elle purifie la foi. Déjà reprise après Platon par Hegel et Comte, cette méditation philosophique des mythes réconcilie poésie et vérité.

Autres œuvres

Les deux volumes de La Pléiade sont encore loin de rassembler la totalité des Propos dont la publication est désormais assurée par l’Institut Alain du Vésinet : le premier cahier s’intitule Mythes et Fables (1985). Le lecteur Alain publie En lisant Balzac et il commente l’œuvre poétique de Paul Valéry.

Repères

Né à Mortagne-au-Perche, Émile Chartier est au lycée de Vanves l’élève de Jules Lagneau, « le seul Grand Homme que j’aie rencontré ». Après l’École Normale Supérieure et l’agrégation il enseigne dans les lycées de Pontivy, Lorient et Rouen, puis à Paris au lycée Condorcet et en classe de Première supérieure au lycée Henry IV. Alain écrit notamment dans La Dépêche de Rouen (Propos d’un Normand) et le radical se mêle au débat politique. Pacifiste engagé volontaire en 1914, il publie au retour Mars ou la guerre jugée. Il s’intéresse de près à l’école primaire et aux instituteurs. Son enseignement suscite des vocations philosophiques, mais n’a guère alors d’écho à la Sorbonne. Il meurt au Vésinet, « cette .campagne où je vis avec des fleurs et des oiseaux... Mon monastère »...