droits de l'homme

Discours de Ville-di-Paraso, 14 juillet 1989

Allocution prononcée le 14 juillet 1989 à Ville-di-Paraso (Haute-Corse), dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de la Révolution française.

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C’est sur les instances amicales de Jean Leoni, mais aussi en raison des liens très anciens qui nous unissent, que j’ai accepté de vous dire quelques mots aujourd’hui. Car peu de mots suffisent et les choses sont très simples.

Nous célébrons un jour glorieux entre tous. Nous témoignons ainsi que nous nous souvenons, que nous gardons avec vigilance la mémoire sacrée de l’humanité. L’histoire de la grande Révolution est encore la nôtre. C’est avec gratitude que nous avons présente à l’esprit la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Enfin et surtout la République demeure pour nous une idée vivante.

1789, c’est l’année mémorable, la plus grande date de l’histoire universelle. La Révolution est certes le fait d’un peuple et même d’une ville. Mais au moment même l’événement est immédiatement reconnu par tous les peuples de la terre, à Berlin, à Varsovie, à Rome, dans les Caraïbes et dans toute l’Amérique.

Pour la première fois se constitue une nation. On sait que le célèbre cri « vive la Nation ! » n’est pas un cri de guerre. Il signifie que les hommes n’appartiennent plus seulement à une classe sociale, noblesse, clergé, tiers-état, ni à une province, Bretagne, Alsace, Corse, mais qu’ils sont avant tout des égaux, des hommes fraternels, les libres citoyens de la République.

Et la Déclaration elle-même ne proclame pas les droits d’un peuple particulier, mais les droits de l’homme sans distinction, sans frontière. Il faut s’en souvenir quand dans le monde entier se déchaînent des fanatismes entretenus par la croyance aveugle aux particularismes ethniques ou religieux, quand des partis, des doctrines, des religions, s’attachent à nier l’humanité dans l’homme d’après la couleur de sa peau, son profil, son patronyme, sa confession. Toutes les politiques d’exclusion reposent sur un même préjugé, à savoir que d’autres que nous ne sont pas nos semblables, que la fraternité a seulement cours dans l’étroite enclave d’un terroir. Cette violence répétée a beau se parer de faux-semblants, où que ce soit dans le monde le fracas des bombes ne fait pas illusion et il ne suffit pas de tout casser pour entrer dans l’histoire éternelle : ce n’est pas tous les jours le 14 juillet !

En 89 se joue sur la scène du monde l’aventure mémorable d’un peuple animé par la passion de la liberté. Dans un premier temps, c’est l’esprit même de la Révolution qui le presse d’apporter le drapeau de la liberté à d’autres peuples. On sait que l’entreprise généreuse échoue, car elle se perd bientôt en vaines et injustes guerres. Mais la leçon primitive demeure puisque, aujourd’hui encore, les peuples d’Asie, d’Afrique, d’Amérique se tournent vers nous et se rappellent que par la prise de la Bastille Paris annonçait la liberté au monde.

Puisse cette piété envers nos grands ancêtres, qui sont les ancêtres des hommes libres de tous les pays, inspirer notre conviction républicaine pour les tâches du présent.