Article du Populaire de Saône-et-Loire n°3.
Texte publié dans Le populaire de Saône-&-Loire, Hebdomadaire de la Fédération Socialiste (S. F. I. O.) de Saône-et-Loire du samedi 29 septembre 1945.
Quand un socialiste s’adresse aux électeurs, il ne leur propose pas seulement un programme local ou quelques réformes urgentes, il leur parle surtout du socialisme. Notre parti est le seul à proposer actuellement un système complet de réformes ; il est le seul qui ose proclamer son but réel, sa doctrine profonde, sa conception révolutionnaire du monde et de l’homme. En votant socialiste demain, en votant socialiste le 28 octobre, le pays peut décider, non seulement l’amélioration des conditions actuelles de son existence, mais encore le renouvellement prochain de toutes les formes essentielles de sa vie.
Quelques amis ont cru voir, dans l’exposé que Léon Blum fit au congrès le 12 août, un tournant dans l’histoire du socialisme, une déviation de sa ligne de conduite, une hérésie doctrinale et presque une dégradation de sa force. Léon Blum disait que le but du socialisme était de changer la condition humaine et que la révolution économique n’était que le moyen nécessaire à cette transformation. Marx ne voulait pas dire autre chose, mais ici l’accent est déplacé de l’économique vers le moral ; il s’agit d’une expression nouvelle de la même doctrine.
Pourquoi ce déplacement de l’accent ?
Parce que le socialisme est passé de la période critique à la période constructive, « de la phase militante à la phase triomphante ». Le temps n’est plus où le socialisme devait lutter pour se créer une existence dans un milieu hostile et où il lui fallait détruire avec rigueur et violence un monde encore solide. Aujourd’hui, les peuples le portent au pouvoir, ses adversaires même ont adopté son vocabulaire, ses thèmes coutumiers, ses mots d’ordre. On consulte ses techniciens, on compte avec sa force croissante et l’on pressent son triomphe inéluctable.
« Nous sommes passés des difficultés de la faiblesse aux difficultés de la force ». Nous devons descendre en nous-mêmes pour savoir si nous sommes aptes à entreprendre une révolution aussi profonde, à prendre une responsabilité aussi grave. Et dans un monde dont les vicissitudes sans précédent ont appauvri l’âme, nous connaissons l’impérieux devoir d’enrichir les hommes, d’éclairer leur conscience, de leur donner des maximes auxquelles ils puissent croire sans trahir leur liberté et leur dignité d’homme.
Notre parti reste un parti de classe, mais il constate qu’au prolétariat opprimé se sont joints tous ceux que l’adversité a meurtris. Il demeure un parti de révolution économique et de lutte sociale, mais il admet dans ses rangs ceux qui viennent à lui par probité intellectuelle ou par générosité de cœur. Il veut plus fermement que jamais réaliser l’unité politique du monde ouvrier, mais il n’oublie pas que la liberté de jugement et la vérité sont les garanties indispensables d’une victoire réelle et durable.
Un vieil ami me disait plaisamment : « Le socialisme, c’est notre marotte ». J’essaierai de justifier ces mots prochainement en témoignant des perspectives infinies qu’ouvre au monde le socialisme et de sa vocation qui est de créer un nouveau type d’homme.