Léon Blum


Article du
Populaire de Saône-et-Loire n°2.

Texte publié dans Le populaire de Saône-et-Loire, Hebdomadaire de la Fédération Socialiste (S. F. I. O.) de Saône-&-Loire du samedi 19 mai 1945.


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Nous avons retrouvé notre Léon Blum. Il est de nouveau parmi nous. La grande figure qui incarne le socialisme international a repris sa place dans le pays dont il est l’un des premiers citoyens et dans le parti auquel il a voué sa vie. Aucun homme politique n’avait été plus calomnié au temps où la politique était asservie à une presse infâme. Les ennemis de la République d’abord, les ennemis de la France ensuite l’ont pris comme otage parce qu’il représentait la démocratie sociale et qu’il eût pris la tête de la résistance française. C’est pourtant lui qui, à Riom, accusateur au banc des accusés, a donné à la résistance sa consistance et sa direction politique.

Seul dans sa prison, non seulement banni de la vie publique, mais privé de sa vie d’homme libre, au temps où les grandes vertus humaines que sont la justice et la liberté avaient été bafouées dans le pays même qui était la patrie de ces vertus, Léon Blum, par un retour sur soi qui n’eut point d’exemple en politique, définit pour nous les grandes lignes de l’avenir. Le livre qu’il écrivit en 1941 dans les prisons de Bourrassol et du Portalet, et qu’il fut permis à ses amis d’éditer avant son retour d’Allemagne situe « à l’échelle humaine » les problèmes de la France et du Socialisme. Le public trouvera dans ce livre un grand enseignement et notera sans doute la hauteur incomparable de son accent, mais le militant qui a déjà senti Léon Blum au sein de la famille socialiste ne pourra contenir une émotion intense qui ira, plus loin que l’affection, jusqu’au sentiment d’humilité et de reconnaissance qui accompagne les grandes rencontres de la vie.

Léon Blum y analyse avec rigueur les erreurs et aussi les malheurs de sa génération. Il met en garde la jeunesse contre la démagogie facile de ceux qui la flattent pour l’enrôler bruyamment au service de l’arbitraire et de l’autorité. Il dénonce avec évidence la décadence de la bourgeoisie, sa responsabilité dans nos souffrances, son absurdité économique, et formule sans détour les devoirs rigoureux du peuple ouvrier. Seul, le socialisme apportera aux hommes le bonheur dans la dignité, parce qu’il réalisera la justice égale à l’intérieur des nations et la paix égale entre les peuples. Mais il faut avant tout le courage moral et physique sans lequel il n’est pas d’action grande, l’enthousiasme, le dévouement et l’honnêteté sans lesquels il n’est pas d’œuvre durable et forte. L’humanité a produit les plus grands génies scientifiques et des artistes qui surent la grandir en l’élevant : pourquoi ne produirait-elle pas des génies politiques qui réaliseraient dans le monde des choses et des êtres ce que la pensée créatrice conçoit intérieurement ? Il n’y a pas une vérité pour concevoir et une autre pour agir. L’idéal n’a de valeur que par l’effort qui le pousse au cœur du réel.

Nous attendions ce guide avec ferveur et nous avons tremblé pour sa vie. Nous savons qu’il continue Jaurès et c’est pourquoi nous lui demandons la lumière. Ce n’est pas une adoration frivole ou une adulation fanatique. Mais nous, socialistes, qui affirmons la vertu des collectivités et qui assignons à la politique les grandes fins collectives que sont l’organisation, la liberté et la justice, nous savons reconnaître les grandes personnalités et utiliser au profit de l’humanité l’idéal et l’exemple qu’elles incarnent.